Si le hasard t'emmène jusqu'ici, ne fuis point
Surfe et erre sans fin sur le blog du baladin
Smurfe dégingande-toi au sein du bal à daims
Avec imagination, Sans invitation
Ta religion est l'insubordination ?
Alors gausse-toi ici nul n'est bouffon
ni branque ni saltimbanque honnie soit sale ta banque
Juste des pions décidés à enfin décider
dans un bal laid où déambulent des daims
Manifestant leur insoumission avec dédain
LeonnicAsurgi@yahoo.fr


Droit dans le soleil

La France est un Etat de Droit, ou plutôt un état de droits divers et variés : droit d’inventaire, droit de grève, droit de cuissage, droits de succession, droit dans les bottes…avant d’être tous en fin de droits, voici une invitation à regarder droit dans le soleil. Attention, les effets indésirables suivants ont été décelés, si vous en êtes victime, veuillez consulter votre médecin (et rendre l’âme à qui elle appartient) :
- Ames sensibles ou manichéennes s’abstenir
- Regarder droit dans le soleil brûle la rétine, peut troubler la vue jusqu’à l’éblouissement voire l’aveuglement
- Des manifestations de démence haineuse sont les effets indésirables les plus fréquents
- Emotions garanties

Peut-on donner une chance à l’Artiste en condamnant l’homme et sans faire preuve d’indécence ? Ce ne serait pas la première fois…
Oui si l’on considère qu’on peut se trémousser avec désinvolture sur Sex Machine de James Brown, reconnu coupable de violences conjugales à plusieurs reprises…Soyons désinvoltes…
Oui si l’on considère qu’on peut apprécier des films avec Schwarzenegger on occultant le nombre de morts par injection létale en Californie sous son mandat, mandat qui lui conférait le pouvoir d’annuler les exécutions.
Oui si l’on considère qu’on peut s’extasier par millions devant des footballeurs qui paient une mineure pour faire l’amour avec elle…et si l’on considère qu’un footballeur est un artiste…donc Non.
Oui si l’on considère qu’on peut encenser Joey Starr pour sa brillante prestation dans Polisse, pour sa reconversion cinématographique…qui rappelle les compositions de Cantat en 1989, Joey I et Joey II, (Album « Veuillez rendre l’âme à qui elle appartient»), coïncidence stupéfiante ou anachronisme ?
Oui si l’on considère qu’on peut décerner un César à Cyril Collard pour son autobiographie cinématographique dans laquelle, se sachant séropositif, il incite sa partenaire de sexe à ne pas porter de préservatif, l’amour étant plus fort que tout, plus fort que le Sida…Moralité il est mort alité…
Oui si l’on considère qu’on peut s’émouvoir sans retenue devant les œuvres de Picasso, en faisant fi des dégâts humains causés par l’homme, toutes proportions gardées car il n’a jamais tué personne de ses mains d’or.
Oui si l’on considère qu’on pourrait lire, éditer, publier, promouvoir, recommander un héros de l’amer, un écrivain qui jetterait de la poudre aux yeux…et dans le nez de jeunes filles sans vécu amoureux.
Oui si l’on considère qu’on peut vénérer Gainsbourg pour l’ensemble de son œuvre en omettant le sort qu’il souhaitait réserver à W.Houston, sa fronde à l’égard de C.Ringer qui auraient mis aujourd’hui dans la rue une armée mexicaine de Femen appelant au boycott de ses œuvres.
Toutes proportions gardées, là encore, la liste de réponses accréditant cette thèse pourrait s’étendre à l’infini…

Heureusement, encenser l’œuvre d’un Artiste ne rend pas solidaire de ses fautes et errements d’homme. Pourtant, on cherche à culpabiliser les fans de Noir Désir. Pourtant, aucun d’eux, aucun de nous, n’a nié ni minimisé la gravité des faits. Jamais.

Il a frappé une femme, elle en est morte, personne n’oubliera jamais. Vilnius est un traumatisme pour les fans. Une trahison d’autant plus absolue que les engagements de l’Artiste la rendaient indécelable, une tromperie comme il y en a eu peu, une supercherie odieuse, une déflagration dont la magnitude fut encore plus forte que celle qui frappa les français quand ils découvrirent le vrai visage de DSK après lui avoir accordé leur confiance (toutes proportions gardées là encore car DSK n’a tué personne).

Il a frappé une femme, elle en est morte, personne n’oubliera jamais. Aucun de ses fans ne lui a accordé de circonstance atténuante. Soutenir n’est pas atténuer. Cantat lui-même ne s’est trouvé aucune circonstance atténuante : il n’a jamais fait appel, n’a jamais tenté de justifier son acte, n’a jamais essayé d’édulcorer la gravité de la situation, n’a jamais nié en bloc Lolita.

Il a frappé une femme, elle en est morte, personne n’oubliera jamais. Il a « payé sa dette envers la société » comme on dit vulgairement. Cette phrase est ignoble et n’a plus aucune valeur. Parce que l’endettement est devenu notre modèle, plus personne ne rembourse ses dettes, plus personne ne peut rembourser ses dettes, pourquoi un condamné pourrait-il le faire ? C’est un contresens (il ne faudrait pas non plus donner de mauvaises idées aux politiciens qui, en divaguant à l’absurde, pourraient pousser au crime pour réduire l’endettement de la France, si seuls les condamnés peuvent payer leurs dettes). Mais bon, maintenant qu’il aurait payé sa dette envers la société, voilà que des polémiques nauséabondes l’impliquent dans le suicide de sa femme. Juste au moment de la sortie de son album, avec en filigrane pour enjeu la garde et le droit de visite de ses enfants. Hasard, coïncidences ou au contraire une récidive avérée ? Pas de réponse, juste des rumeurs, des faisceaux d’indice. Mais enfin, cela ne gêne personne de faire témoigner une morte ? Kristina qui, de son vivant, avait plaidé sous serment la cause d’un Cantat non violent, plaidé sous serment la cause d’une tragédie sans précédent. Kristina qui n’est plus là pour faire la lumière, plus là pour regarder droit dans le soleil. Kristina qui n’est plus là pour lever le voile sur cette situation dont la confusion alimente le fonds de commerce de ces nageurs en eaux troubles, de ces chiens comme disait Mitterrand, de ces experts en ventilation si l’on considère le vent que les mots dans leurs bouches produisent, si l’on considère aussi leur compétence à toujours savoir mettre un ventilo à pleine puissance dans des fosses septiques. Nul besoin d’être agoraphobe pour abhorrer ces mouvements de foule pestilentiels, ces torrents de boue et de haine putrides qui n’ont pas toujours été à la hauteur des événements qu’ils défendaient, et en général en-dessous de tout dès qu’il a fallu en groupe porter un message répressif ou vengeur.

Il a frappé une femme, elle en est morte, personne n’oubliera jamais, mais il ne mérite pas le sort réservé aux récidivistes, personne ne mérite le sort réservé aux récidivistes tant que la récidive n’est pas avérée. La présomption d’innocence s’applique. Attendons que la lumière fût. Regardons droit dans le soleil.

Ceux qui crachent sur l’artiste Cantat aujourd’hui sont certainement animés d’un malaise sincère et se pensent engagés contre la violence faite aux femmes. Pourtant, un engagement, ce n’est pas ça.
Nul besoin d’être des millions pour enfoncer une porte ouverte, pour tirer sur une ambulance. Nul besoin d’un bazooka pour écraser une mouche ni de confiture pour les cochons. Nul besoin de s’engager pour mener un combat gagné d’avance. Ils sont si nombreux à tirer sur le pianiste que cela n’apporte plus rien de les rejoindre. Un engagement, ce n’est pas ça.
Déjà, on ne défend pas une cause en désignant avec autisme un coupable idéal, une tête de Turc qu’on ne veut pas voir en Europe, une tête de Rom qui fait des vagues ou plutôt des flots (d’ailleurs on ne l’entend pas, Duflot, au sujet de Cantat…elle apprend à se taire, à concilier ses convictions et sa position au gouvernement, elle sauve son couple juste avant de Vallser). La désignation d’un coupable n’a jamais constitué une solution ; envoyer Kerviel et Madoff sous les barreaux n’a pas permis d’enrayer la faillite mondiale du modèle capitaliste ni de sortir de la crise…
Un engagement n’est pas un acte facile, un sujet de conversation rassembleur, une simple posture, la recherche égoïste de paix intérieure. Un engagement est un acte douloureux et utile. Un acte qui bouleverse et qui irait à l’encontre des idées reçues ou de l’opinion publique, un acte qui fait bouger les lignes. Un engagement est tout sauf facile, tout sauf évident, tout sauf lazy. Ou alors, c’est une formalité.
Soutenir Cantat dans le contexte actuel est un engagement.

Il a frappé une femme, elle en est morte, personne n’oubliera jamais. Ses détracteurs voudraient lui couper le sifflet. Lui interdire de regarder droit dans le soleil. Le souhaitent malade, fantasment de voir Bertrand Cantat triste chauve. N’ont certainement jamais lu Ionesco. Le veulent mort artistiquement, soufflent sur des braises, attisent le grand incendie, les oriflammes, le bûcher, dansent sur le feu Maria. Ses cendres, le vent les emportera.

Ses détracteurs ont parfaitement compris que l’homme cherche à sauver sa peau en faisant l’Artiste.
Ses détracteurs ont parfaitement compris que flinguer l’Artiste c’est tuer l’Homme.
Ses détracteurs militent sans en être conscients pour le rétablissement de la peine de mort.
Ses détracteurs condamnent la justice française et plébiscitent l’omerta, la vendetta.
Ses détracteurs oublient qu’il a deux enfants qui n’ont plus que lui.
Ses détracteurs pourraient juste le mépriser en silence.
Ses détracteurs ne sauront jamais que c’est un Artiste exceptionnel. Une voix, un poète, un son, one trip, one noise. Un écorché vif aux sévices dont on sent les vices, un héros de l’amer qui regarde droit dans le soleil et défie la couleur des dieux, retourne les scènes pour y voir du ciment sous les plaines.

Il a frappé une femme, elle en est morte, personne n’oubliera jamais. Cantat a vendu son âme au diable mais se bat pour la récupérer, il supplie le diable pour qu’il veuille rendre l’âme à qui elle appartient.

Cantat moi, quand il se sera foutu en l’air, je serai animé d’une grande tristesse devant un tel gâchis mais je n’aurai pas contribué à précipiter sa chute. Je n’aurai pas confondu l’Artiste et l’homme, je n’aurai pas réduit son œuvre à la tragédie de Vilnius, même si les deux resteront gravées à jamais. Et tant pis si j’aide l’homme à se reconstruire. Ou tant mieux. Je ne sais plus.
Cantat a un champ d’expression quasi nul. Finis les engagements et les avant-gardismes, sous peine de s’exposer aux railleries. Pas de platitude possible sous peine de décevoir définitivement ses fidèles. Pas de composition instrumentale, c’est sa voix qui manque. Et pourtant, il est parvenu à créer « Droit dans le soleil » dans cet espace infime. Un texte sublime, qui ne justifie pas l’injustifiable, qui n’explique rien mais un manuel de survie pour tous ceux qui, victimes ou coupables de douleur, veulent continuer de se battre.

Il a frappé une femme, elle en est morte, personne n’oubliera jamais. Il est devenu l’ennemi public numéro 1, haï par une grande frange de la population, surprotégé par ses fidèles dont l’excès paraît déplacé, indécent, mais n’est au fond qu’une réaction de mitigation, une réaction de compensation par rapport aux critiques destructrices et acharnées qu’il essuie : Cantat, c’est Mozart qu’on assassine !

1 commentaire:

  1. Epoustoufflant...si l'humanisme de cet article pouvait se révéler
    contagieux je serai fier de mes contemporains..

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